vendredi 2 septembre 2011

La reprise, ce n’est pas la rentrée

Ils arrivent seuls ou par petites grappes, certains sortent de voitures d’autres sautent du bus. Ils portent pour beaucoup les nouveaux maillots de leur équipe préférée. Les plus chanceux arborent des tenues complètes avec shorts et chaussettes, et l’ensemble leur donne des allures de prince. Ils se font la bise, et aux nouveaux; on tape dans la main. Dans le sud, on se fait la bise dès l’instant où il y a une histoire commune, elle est le signe du partage, de la complicité comme du secret. Des petits groupes se forment selon les affinités. Toutes les peaux ont été baignées de soleil. Leur première richesse, durant ces vacances, a été de profiter du même astre et peu importe que ce fût au bord de mer, sur les transats des piscines d’un club de vacances ou les plages cimentées des piscines municipales. Ils rayonnent comme les fruits d’une saison. Ils ont grandi, un peu, beaucoup. Les habits servent souvent d’unité de mesure. Les moins courageux ont profité de la coupure estivale pour aller chez le coiffeur invoquant secrètement l’amnésie de leur camarade. Les plus indifférents aux jugements d’autrui ont laissé pousser la tignasse. Ils céderont certes aux ordonnances de leurs parents et partiront se faire coiffer au dernier moment, quelques jours seulement avant la rentrée des classes. On ne coupe pas aussi facilement l’éruption du bonheur et de la liberté. Lorsque l’entraîneur apparaît, ils se précipitent comme tous les parents rêvent de voir leur enfant courir vers eux chaque jour de la vie. Sur dix ou douze mètres avec des rires et des gestes infondés, ils forgent l’espoir d’une grande saison. L’adulte, avec un visage de joie, interpelle un joueur qui porte le maillot de Lyon, demande à un autre s’il a toujours les pieds carrés et à un autre encore s’il arrive enfin à faire cinquante jongles de la tête. Les bises fusent, même les nouveaux y ont droit, ils prennent de l’avance sur les choses qu’ils n’ont pas encore partagées. Après la douce agitation, les enfants suivent jusqu’au rond central l’entraîneur heureux. Ce dernier reste debout quand tous ses joueurs se posent sur la pelouse. Et comme le font toutes les civilisations coutumières, les plus jeunes écoutent le plus ancien avec respect et admiration.
Personne depuis les bords du terrain ne peut entendre ce qui se dit dans le cercle d’initiés, mais chacun envie cet instant hors de tout. Quelques éclats de rires sourds viennent parfois caresser les grillages, quelques mouvements de corps perturbent de temps à autre la symétrie du cercle, mais rien ne semble trahir le plaisir de se revoir. Cela dure quelques minutes, mais pour eux, le temps est-il le même ? Ne seraient-ce pas des heures qu’ils passent ensemble, ou peut-être même une vie ? Puis l’entraîneur frappe une fois des mains, les enfants se lèvent d’un bond, certains s’époussettent les fesses comme l’on se tapote les joues pour se réveiller. Ils courent vers le sac de ballons car ils savent que le plus rapide est le mieux servi. Les quelques nouveaux récupèrent les moins gonflés et tous jonglent. Le terrain est une fête que la frappe des pieds sur les cuirs, remplit du bruit d’un feu d’artifice lointain. Non, la reprise ce n’est pas la rentrée…

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