Le génie des élèves et de ceux qui le furent: comme une âme en peine.

Note du 12/10/12.
Il y a une semaine, j'ai donné cette incitation relativement difficile à des troisièmes que je connais très bien.
Fiche de cours.
Titre: J'ai perdu ma trace, j'ai trouvé ma place.
Thématique: l'errance.
Incitation:
" J'ai le pressentiment que quelque chose ne sera plus comme avant. C'est peut-être là la vraie définition de l'errance, de sa quête, avec sa solitude et sa peur. C'est le désir que je cherchais, la pureté, la remise en cause, pour aller plus loin, au centre des choses, pour faire le vide autour de moi. Je me dois de me laver la tête... pour rencontrer le centre d'une nouvelle image, ni trop humaine ni trop contemplative, où le moi est aspiré par les lieux quand le lieu n'est pas spectacle, ni surtout obstacle. Il faut vivre cette quête qui est la mienne...
 Elle arrive à un moment, ni bon ni mauvais, elle est nécessaire... Pour être juste, cette errance est forcément initiatique... Mon regard va changer... Cette quête devient la quête du moi acceptable".
Texte de Raymond Depardon (photographe) tiré de son livre "Errance", édition du Seuil, 2000.
Vous devrez réaliser à l'intérieur du collège et sur deux séances un reportage (vidéo, photographique ou dessiné) qui montre cette quête initiatique  dont vous êtes le sujet (l'objet d'étude).
Définitions.
Errance: situation de déplacement constant sans but. Qui voyage au hasard. Fait de s'égarer, de faire fausse route, de flotter. Volonté de ne pas se fixer.
Pressentiment: sentiment vague qui fait prévoir, craindre ou espérer.
Quête: action par laquelle on cherche.
Initiatique: première introduction à certaines choses secrètes ou élevées. Premiers pas que l'on fait faire à quelqu'un pour lui faire découvrir une nouvelle discipline.

Nous avons longuement débattu de cette incitation en nous appuyant sur des travaux d'artistes.
Certains élèves, sont directement partis filmer dans les couloirs du collège, d'autres sont restés en classe à se creuser la tête ou, à tourner en rond. A ceux-là, je signalais qu'ils étaient déjà dans l'errance, et qu'ils pouvaient tirer bénéfices de ce départ vers l'inconnu.
Aujourd'hui, au tout début du cours, R (qui participe aussi au documentaire U.L.I.S et qui a de solides bagages techniques en cinéma) s'approche de moi avec son I.PAD.
- Monsieur, j'ai fait un premier montage , mais je crois qu'il y a des choses à reprendre.
- Cela te dérange si l'on appelle tes camarades pour qu'ils profitent de ton travail comme de tes doutes??? Tu sais, c'est intéressant de voir l'oeuvre entrain de se faire.
- Oui, ça m'est égal.
Tout le joli petit monde prend place, je fais le noir complet, branche l'IPAD au vidéo projecteur.
Le petit film nous montre l'élève marcher dans les couloirs. En voix off, il lit le texte de Raymond Depardon. C'est court et puissant. Tous les élèves sont émus, c'est sans doute la première fois qu'un artiste, par l'intermédiaire d'un camarade, les touche autant.
Ce qu'il y a de très intelligent dans son film, c'est le fait d'avoir utilisé trois points de vues à l'aide d'un chariot de cantonnier (comme travelling). Trois fois, il a réalisé le même parcours mais cadré différemment: le visage face, le dos, et les pieds en gros plan(s). Après, sa virtuosité dans le montage a fait le reste.
Une fois la projection terminée, nous avons juste convenu que la voix off devait être ré-enregistrée.
Mon rêve serait d'envoyer ce travail à Raymond Depardon. Non, mon rêve serait que l'artiste vienne nous parler et, le temps d'une séance, travailler avec mes élèves.