dimanche 29 avril 2018

La chair du rêve c'était sept francs, c'est dix euros aujourd'hui...

Joe Dante et moi-même...


 La chambre c'est une caméra. Une camera obscura. Double, lorsqu'on ferme les paupières. Double lit. Lit gigogne. En haut c'est moi. Sept ans plus bas, c'est mon frère. J'ai 12, 13, 14, 15 ans. Et je reste perché jusqu'à mes 22 années, à trois marches du sol, là-haut, dans les rêves qu'alimente ma passion du septième art. Là-haut, au septième ciel que je n'ai jamais quitté. Le cinéma, c'est la vraie vie. C'est Truffaut qui le dit à Jean-Pierre Léaud dans une magnifique séquence de La Nuit Américaine (1973). Tiens, encore une histoire de nuit, de cinéma américain, d'un américain dans la nuit ou dans la lumière de la Provence balayée par le mistral. Sur mes terres, bien sur terre et pas au ciel, j'ai croisé la chair qui manque toujours aux rêves. Moi, dès mes douze ans, j'étais abonné à Starfix, plus tard Impact, toujours à Mad Movies. Il n'y avait pas internet, et il fallait attendre un mois, parfois trois pour avoir des nouvelles du ciel. Un ciel où des dieux vous font descendre des images sur terre pour vous la faire quitter à nouveau. Pour aller haut dans les étoiles, parmi les stars. Celles que l'on voit la nuit, dans la chambre noire ou sur l'écran de nos paupières closes.
 Des millions pour faire un film. Sept francs pour être heureux à vie. Trois marches au dessus du sol... Les murs de ma chambre étaient tapissés d'images que je voyais (ou faisais) bouger sur des écrans de papier de magazines. Du cinéma immobile pour une aventure continue: Piranhas (1978), Hurlements (1981), Gremlins (1984), Explorer (1985), L'Aventure Intérieure (1987)... Aujourd'hui j'ai touché l'épaule de celui qui, pour sept francs une fois, m'a ouvert les mille salles du bonheur lorsqu'on ferme les paupières. Certains appellent cela des rêves. Peut-être, mais il faut bien les nourrir pour qu'ils existent et nous fassent sur-exister! J'ai touché l'épaule d'un de mes vingt Dieux au moins. Les Dieux sont sur terre. Les autres, comme le fait dire John Fante à son héros Bandini (Dans son premier roman, Bandini 1938) sont des chiens.
 Joe Dante et moi sur la même photographie... Et celle-là, je la tire sur papier et l'accroche sur le mur de ma chambre. Dante, l'enfer n'est vraiment pas sur terre!

dimanche 15 avril 2018

Bientôt l'expo 4.

C'est chez MAKERS, 10 rue de l'Opéra à Aix-en-Provence, qu'aura lieu le vernissage de mon exposition le 21 avril à partir de 19h. Un DJ "ambiancera" l'évènement FACEBOOK

Oui, c'est moi avec mes jolies bottines toutes mouillées.

Quatre textes pour quatre séries.

Série Selfie.

L'instantanéité d'un selfie, avec ses codes et ses poses, trouve sa légitimité dans un abandon sans pudeur parce qu'il est destiné aux autres avant de l'être à soi. L'étendue d'eau dans laquelle se reflète Narcisse est réduite à quelques centimètres carrés d'écran lumineux : regardez comme je suis belle, beau, comme nous sommes heureux, ici et n'importe où, n'importe quand. Nous avons tous des gueules différentes mais des poses identiques. La technique du selfie impose un cadrage unique et contraignant. Devant la tour Eiffel, une plage des Caraïbes ou le Machu Pichu, notre allure est celle de celui qui se regarde à défaut de regarder le monde dans lequel il s'inscrit et se déplace. Il existe des milliers de paysages extérieurs et intérieurs, il n'existe qu'un selfie. Même la perche n'a pas la vertu de nous intégrer au point de nous transformer en voyageurs plutôt qu'en figurants. Le principe de l'auto-promotion photographique nous place sur le grand échiquier d'un casting que nous passerions pour incarner le personnage principal de notre propre vie. Avec le risque fou, de n'être pas choisi. Ne pas correspondre à l'image que je me fais de mon propre personnage, n'est-ce pas le comble du comble de l'ironie ? Le selfie fait de nous des figurants défigurés et défigurant tous les lieux dans lesquels nous pensons briller. En fait, il nous fait perdre la figure et vide l'image de sens. La plus-value de cette dernière se jouera à postériori, à coup de like(s) ou de commentaires et sa vitalité comme sa pertinence iconographique se mesurera par la grandeur ou l'échec de la récolte : vous êtes trop mignons, tu me fais rêver, c'est beau, t'as de la chance, je t'envie, on se revoit bientôt, je vois que l'altitude a les mêmes vertus que l'alcool, la vie est belle, dieu est grand, nos retrouvailles vont être magiques, merci ma chérie... Et puis, on peut rajouter des émoji(s), sortes d'images dans l'image, qui résument une pensée que nous mêmes ne saurions résumer. L'image intime est parasitée par les images, les signes et les commentaires qu'elle agrège autour d'elle. Le selfie nous vide de sang (vitalité) à l'endroit où il nourrit les autres, sortes de vampires aux canines aiguisées par la frustration. Oui, il y a toujours plus heureux, plus beau, plus fort, plus riche, plus intelligent que soi. Nous le savions, mais les réseaux sociaux nous le rappellent chaque seconde, chaque instant laissé vacant. Nous ne sommes plus en vacances de nous-mêmes et puis des autres. Nous bougeons tous, et pourtant, nous restons des voyageurs immobiles vivant l'ailleurs par procuration en pensant que l'herbe y est plus verte.

Mes dessins de selfie, saturés au stylo Bic, interrogent cette perte d'identité à l'instant où l'on pense en avoir une et la mettre en scène. Le selfie devient une sorte d'émoji de lui-même, une mise en abîme du contentement de soi par le parasitage de tous signes distinctifs. Une seule image, pour des millions de personnes.





La série des dessins au stylo Bic noir questionne un autre aspect des images qui nous sont adressées chaque jour.
La photo d'information, plus généralement appelée journalistique est d'illustrer un événement heureux ou dramatique. Elle doit avoir la double vertu, pour ne pas dire pertinence de résumer une idée et d'incarner une émotion. Elle joue sur le tableau du sentiment, sans doute trop souvent. Comment alors, doser son empathie, dans un monde médiatique qui passe allègrement d'une attaque chimique en Syrie à la victoire d'une équipe de football en coupe d'Europe ? Dans le Breaking-News, où se trouve l'espace de réflexion, de respiration qui permet de reprendre ses esprits, donc ses émotions, pour ne pas uniquement tomber dans le sensationnel ? Nous autorise t'on encore le simple espoir de ne pas être juge et partie ? Pouvons nous encore envisager le temps d'une analyse ?
Le dessin, parce qu'il est une pratique lente basée sur l'observation et à rebours de la fugacité, questionne ce rapport à la photographie documentaire. Il est une pédale de frein sur laquelle on appuie avec plus ou moins de force pour jouer avec le temps de la réflexion, ralentir, s'arrêter.
Ici, le travail est basé sur la contrainte.
  • Une feuille de dessin de mauvaise qualité au format A5.
  • Une photographie tirée du journal Libération, que j'achète parce que mon buraliste en cale juste un et avec honte entre le Figaro, Valeurs Actuelles et autres journaux de droite et un peu plus encore. J'aime montrer, par des signes extérieurs de lectures quotidiennes, que je suis de gauche. C'est un luxe que je peux me payer.
  • Un stylo Bic noir neuf.
  • Le dessin s'arrête lorsqu'il n'y a plus d'encre. On peut tracer une ligne continue de 1 km avec un stylo bic avant qu'il ne rende l'âme.

La mise en oeuvre, les outils et les supports sont pauvres, seule compte en fait, la capacité du dessinateur à ne pas sortir de l'image, c'est à dire de la concentration. Le stylo Bic ne peut être gommé. Et s'il y a erreur, il faut faire avec. Des accidents graphiques, même s'ils sont infimes, peuvent parsemer la feuille et dicter leur loi. L'image n'est donc plus dans la réalité d'une reproduction à l'identique, mais bien dans la réalité de son propre récit de fabrication. Dès lors, le dessin sort de son espace informatif et figuratif, pour atteindre une dimension poétique, détachée de toute réalité sociale, historique ou évènementielle.
Peut-on penser voir un beau dessin (entendons ici un dessin bien réalisé) lorsque celui-ci incarne l'image de la douleur ? De même, un dessin peut-il être doublement beau s'il montre une image de joie ? Le graphisme, dans un espace de contraintes, parasite la sémiologie en faisant surgir une iconographie qui n'est pas celle du départ. Le papier se gondole, le noir devient rouge ou bleu, la globalité s'échappe en offrant une multitude de points de vues, l'oeil cherche l'accroche ou l'accident, le regard se soustrait à lui-même.
Les contre-dessins sont des images qui naissent à la surface d'une feuille sur laquelle j'essuie la mine du stylo bille lorsque cette dernière est aussi parasitée par l'accumulation des résidus d'encre et de papier. Ils ne représentent rien de plus que la figure d'une défiguration, une sorte de Sopalin graphique qui n'épongerait plus, mais révèlerait toujours plus. Un réceptacle par absorpsion.



Série des crânes.
Le crâne revient en force. En fait, il n'est jamais passé de mode. Motif privilégié au travers des siècles de tous ceux qui s'intéressent à la vanité et à ses représentations, comme aux amateurs des œuvres qui cultivent la mélancolie ou l'esprit dark. Il incarne par sa désincarnation, ce qu'est l'homme vidé de vie tout en restant présent au monde. Il offre une figure universelle et magistrale à l'absurdité telle que Camus et les existentialistes l'envisagent : nous savons que nous allons mourir et pourtant, nous nous battons pour vivre. Nous ne sommes heureux que dans les efforts que nous fournissons pour mettre en scène notre propre finalité.
Le crâne donne de l'homme, une image construite sur le principe de l'oxymore, digne et pitoyable. Mais un crâne, quoique l'on en pense et en dise, c'est beau et c'est ce qui se fait de mieux au niveau design depuis que l'homme est homme. C'est quasiment son génie « désincrâné ». Un crâne c'est parfait et ils nous vont comme des gants. Dans mon travail, il n'est pas ce qui reste, mais bien ce qui apparaît et se construit. Il surgit de nulle part et se compose uniquement de papiers (préalablement traités de différentes matérialités) déchirés et la déchirure comme les superpositions offrent une forme et une carnation, une certaine vitalité. Si le crâne est ce qui reste, ici, il est ce qui germe.




lundi 2 avril 2018

Bientôt l'expo 3.

Un Bowie au stylo BIC qui figurera à l'expo.